lundi 12 février 2018

PAROLE DE... l'architecte, la lumière et la justice (1)










[Construire, c’est une petite magie. 
Renzo Piano]



La fondation Beyeler à Bâle est probablement un des musées les plus apaisants qui soit : une harmonie de formes et d’espaces, ouverte sur le paysage verdoyant. Un bâtiment au service de l’art qui parle au visiteur et semble lui dire : viens, entre, respire, regarde, admire, sens-toi libre (oui, en leur prêtant attention, il peut arriver d’entendre des espaces parler).



Le Centre Klee... le Centre Klee, c’est autre chose : ces
trois courbes en bordure d’autoroute vous bousculent et vous amusent. On y sent moins le désir de mettre des œuvres en évidence que de jouer avec le territoire environnant. Comme pari, c’est réussi, c’est spectaculaire. Une fois à l’intérieur, la question qui se pose est de savoir si l’architecture est au service des œuvres de Klee ou le contraire.


On doit à Renzo Piano des réalisations qui ne laissent jamais indifférent. Tellement variées, qu’on imagine ce bâtisseur mettre à chaque fois ses compétences au service du projet, sans vouloir à tout prix imposer sa marque de fabrique (ce qui n’est hélas pas le cas de certains architectes stars). Depuis le Centre Pompidou, jusqu’à ses constructions plus récentes à travers le monde entier, ce lauréat du Pritzker Prize 1998 ne cesse de proposer des bâtiments captivants.

  
Le palais de Justice qu'il a projeté pour Paris sera achevé tout prochainement. Laure Adler* l’avait invité l'été dernier à parler de son métier, exercé depuis près de 60 ans. Sa conception : derrière tout projet, il y a des gens, des contextes, des vies. Il dit : « Un architecte s’occupe de la vie des autres ». Il privilégie la conception d’espaces publics, ces lieux qui « fécondent la ville, où les gens font des choses ensemble, partagent des valeurs ».

L.A. : L’architecte, est-ce un artiste ou un artisan ? Là, maintenant, en 2017 ? 
R.P. : C’est les deux. Bien sûr qu’on est artiste, il faut bien : les choix ne sont pas seulement rationnels. Mais il faut quand même être des bâtisseurs, des constructeurs. Il faut savoir construire et il faut aussi savoir comprendre les gens. On est des humanistes aussi. […] A neuf heures, il faut être bâtisseur. A dix heures, il faut être artiste. A onze heures, il faut être humaniste et à midi, il faut, si on peut, être à nouveau un peu poète. Mais surtout, il faut savoir construire. Il faut connaître le plaisir de bâtir.
L.A.: ça veut dire quoi : construire ?
R.P. : Construire, ça veut dire : savoir se battre contre la force la gravité, qui est une loi de la nature spécialement têtue. Il faut savoir mettre les choses de façon telle qu’elles tiennent même dans des zones sismiques. Il faut savoir reconnaître la force de la nécessité par endroits. Les besoins, les urgences. Il faut être bâtisseur dans son cœur.
Il ajoute : Construire, c’est une petite magie. Il y a toujours quelque chose de magique, d’optimiste dans l’art de construire. C’est l’opposé de démolir. .[…]

Il y a derrière ça une éthique du métier. Il y a une poésie du métier. Il y a des désirs. Il y a aussi la partie invisible de l’iceberg. La partie qu’on voit, c’est le bâtiment fini. Mais il y a une partie cachée, neuf fois plus grande. Il y a derrière ça tellement de choses. Il faut une habitude à écouter les gens. Elle est, parmi les tâches de l’architecte, la plus difficile. Ça ne veut pas dire obéir. Ça ne veut pas dire qu’on écoute et qu’après on fait ce que les gens demandent. Savoir écouter, c’est particulièrement difficile. Les gens qui ont le plus à dire, ils ont une voix faible. Quelques fois, ils ne parlent même pas. Et ça, c’est peut-être la chose la plus délicate à apprendre […] 

*Laure Adler / L'Heure bleue / France Inter / 31.08.2017

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