lundi 16 juillet 2018

EXPERIENCE : une maison pour l'été




C’est une petite maison de vacances à deux pas d’un lac enchanté. Une maison pour la belle saison, une invite à rêver, à se reposer. On y accède par un jardin où volent les libellules et de petits papillons jaunes striés de blanc. Une passerelle en lattes de mélèze conduit sous un saule pleureur qui ne pleure pas, mais offre une ombre plaisante, murmure des choses bienveillantes à qui vient déposer sa chaise juste là. 

Au fond du jardin, là où les fleurs poussent en douce anarchie, se dresse une cabane blanche. Son toit végétal lui donne un air échevelé. On regarde à l'intérieur par de petites fenêtres à minuscules carreaux (un carreau cassé a été remplacé par un bardeau en bois grisé). On se dit que dans cette cabane, il ferait bon s'installer sur un lit parsemé de bons coussins, et s’allonger pour la sieste avec quelques mirabelles et un livre bien épais.


Qu'ajouter sur cette maison sans prétention mais avec grande distinction ? Il y a un réduit sous l’escalier (le loquet crisse et la porte grince) : c’est là qu’on range les outils, qu’on aligne les gelées. Il y a une élégante gargouille en cuivre qui prolonge la gouttière. Il y a trois tournesols dégingandés et un rosier déluré qui veillent sur l'entrée . Il y a un minuscule bassin turquoise, où s'épanouissent quelques nénuphars. Il y a un balcon en épicéa, décoré de losanges et de frises. L'ensemble est un peu décati, un peu défraîchi, mais respire l'harmonie.


C’est une maison presque irréelle, propice aux doux souvenirs, aux souvenirs d’anciens étés, des étés de l’enfance, des étés de romans dévorés. On entre dans la maison et on se sent enveloppé dans un drôle de bonheur, un bonheur béat, non dénué de joyeux picotements et teinté de nostalgie. 

On éprouve ici une palette d’émotions. On accueille mille sensations. En croquant un fruit, on hume des senteurs d'herbe coupée. En observant un lézard rampant, on perçoit une multitude de chants. C’est une maison de poésie, de bourdonnements, de ralentissement. Une maison tartines, une maison balançoire, une maison canoë. Une maison qui invite à sourire et à se laisser bercer. Le temps d'un été.

Image : n°3 / Les effets du Bon Gouvernement (détail) / A. Lorenzetti / Palazzo del Comune / Sienne

lundi 9 juillet 2018

PAROLE DE ... : quand les murs parlent




Les murs ont des oreilles.

Ont-ils aussi une mémoire ? 

Ont-ils des choses à raconter ?

Ont-ils le pouvoir de réparer, de restaurer? 



Peuvent-ils, comme les humains, vivre au présent tout en gardant vivant le souvenir du passé? 
La chaîne Arte a diffusé début juin un documentaire exceptionnel**, réalisée par Ruth Zylbermann, documentariste et historienne de formation. La réalisatrice, dans une démarche de micro histoire, c'est-à-dire réduite à petite échelle, basée sur la vie des individus, a choisi de se pencher sur un immeuble, situé au 209, rue Saint-Maur, dans le Xème arrondissement de Paris. Elle a tenté de répondre à la question : 


Que sont devenus les gens, les enfants surtout, qui vivaient là, avant et pendant la deuxième guerre mondiale, et particulièrement après la rafle du Vel’d’Hiv en juillet 1942 ? 

Elle a cherché à reconstituer leur vie, leur trajectoire, leur quotidien.


Dans les années 1930, l’immeuble était occupé par des habitants d’origine populaire, venus de tous horizons. Il y avait des Français de souche, des immigrés arrivés de toute l'Europe, des Juifs, des non Juifs. Quelque trois-cent personnes vivaient dans cet ensemble: une porte cochère, une cour pavée, quatre bâtiments. Et les enfants allaient à l’école, se retrouvaient dans la courIls y jouaient ensemble, ils se chamaillaient. 

RZ est partie à la recherche des survivants. Pour ce travail de détective, elle est s'est basée sur les archives existantes, par exemple, le recensement de 1936, lequel comportait des informations telles que l'origine, la date de naissance, le métier. Elle a pointé les personnes nées entre 1927 et 1936, les enfants de l'époque, susceptibles d'être encore vivants, de se rappeler, de pouvoir apporter et recevoir des informations. Ainsi a commencé sa longue et passionnante recherche.


Par ce travail de micro histoire, il s'agissait de faire émerger la vie d’autrefois, de donner corps au quotidien avant le fracas, à travers les lieux, leur histoire. Il s'agissait de montrer que les gens victimes de la Shoah avaient eu une existence bien vivante avant d'être des disparus, des dispersés. Partie à leur rencontre, RZ a accompli avec les rescapés toute une reconstruction de la mémoire. Elle a fait émerger des interactions, ressuscité des liens. 

Sa délicate recherche, elle l'a menée par des procédés terriblement touchants et créatifs. Il était important que chacun puisse décrire son vécu, la cuisine, les couloirs, les échos et les interactions, la vie de tous les jours. Alors, elle s'est adressée à ces personnes de 80 ans qui étaient alors des enfants et elle leur a demandé de dessiner. 


Ou bien elle a utilisé des moyens comme de jouets de maison de poupée pour inviter ces personnes à reconstituer les lieux, à évoquer les affects (un homme, par exemple, parle de sa mère couturière en posant une machine à coudre sur une table miniature).




Elle a aussi fait des maquettes, des plans d’architecteset posé des post it sur les façades dessinées pour y coller des noms et pour identifier qui était voisin de qui, qui voyait qui, qui connaissait qui. Elle a projeté également des photographies de disparus sur les murs. 

Ce faisant, RZ n’oublie jamais le présent : elle filme la vie de l’immeuble aujourd'hui, au fil des heures. La vie telle qu'elle se déroule dans un quartier de Paris resté populaire, avec une forte mixité de population. On voit des voisins se parler, se croiser. On aperçoit à travers des fenêtres des pères qui bercent leur bébé pour l'endormir. Ce présent aide à comprendre le passé. C'était aussi comme ça autrefois, dans les années trente, avant l'horreur. Mais ce passé aide aussi à comprendre le présent : il y a aujourd'hui comme naguère des migrants, des étrangers, qui arrivent d'ailleurs, qui travaillent, qui aspirent à s'intégrer. Aujourd’hui. Comme autrefois.

A la fin du film, une sorte de fête rassemble les participants. Les locataires anciens se retrouvent et croisent les locataires actuels. Des gens qui ne s'étaient pas vus depuis septante ans renouent. Parmi les présents : Henry, venu exprès des Etats-Unis, où de la parenté l'avait recueilli après la guerre et qui avait tout oublié, tout oublié de la France et de sa prime enfance. Il revient sur les lieux où ses parents ont vécu avec lui, tout petit. Il pose sa main sur la porte cochère où son père et sa mère ont posé la leur. Il marche sur les pavés où ses parents avaient posé les pieds. Il découvre les lieux où ils avaient été ensemble. L'émotion, intense, émerge, le voile de la mémoire se lève face à l'expérience.


Ruth Zylberman souhaite rendre cette Histoire ressuscitée vivante pour aujourd'hui. Elle dit, se référant à Walter Benjamin : "Les temps ne se succèdent pas les uns après les autres. Le maintenant et l’autrefois se retrouvent pour former une image telle une constellation". 


209, rue Saint-Maur est un film que l'on peut voir en replay sur Arte jusqu'au 3 août (souhaitons que bientôt cette oeuvre soit disponible en DVD).

Images : Site Arte TV / film "209, rue Saint-Maur"

lundi 2 juillet 2018

EXERCICE / Partager l'espace : les couleurs du partage



  Ici, c'est vraiment ma place, ma relation, mon dilemme, mon travail. Le défi de la pleine conscience est de travailler avec les circonstances auxquelles on se trouve confronté - peu importe combien cela semble désagréable, décourageant, sans fin, bloqué - et de s'assurer qu'on a tout fait pour se transformer avant de décider d'arrêter les frais et de voir ailleurs. C'est ici que le véritable travail commence.

Jon Kabat-Zinn, Où tu vas tu es.


Suite à nos investigations sur le partage de notre lieu de vie, nous pouvons nous livrer à un petit exercice : Nous allons maintenant ébaucher le plan de notre logement et définir ses différents espaces. Ensuite, nous leur attribuons à chacun une couleur selon leur fonction et leur usage. Choisissons librement les couleurs qui nous parlent pour esquisser cet exercice.
Note : une pièce n'est  pas automatiquement un seul espace; une pièce peut en comporter plusieurs. La fonction d'une pièce peut être distincte de son usage courant.



£            = espaces communs

£            = lieux de passage

£            = habitant 1

£            = habitant 2

Et ainsi de suite, selon le nombre d’occupants du logement.





En travaillant à cet exercice, nous nous efforçons de rester centrés, connectés à nos sensations et perceptions. Comment nous sentons-nous ? Quels sont nos sentiments, nos pensées ? La délimitation de la carte, l’esquisse des zones limites suscite-t-elle des interrogations, fait-elle émerger des émotions en nous ? Saurions-nous les décrire ? 





Si nous disposons d’un espace en propre, installons-nous à l’intérieur. 

Prenons le temps d’y respirer.

Écoutons notre corps. Nous envoie-t-il des messages ? 

Soyons réceptifs, à l'écoute de nos émotions, de nos pensées, de nos sentiments au cœur de ce "coin du monde".  








Images : Storie di San Nicola / Elemosina al padre di tre fanciulle in età di marito / A. Lorenzetti / Offices / Florence
Annonciation (détails) / A. Lorenzetti / Pinacothèque / Sienne

copyright © daniela dahler 2018