lundi 30 septembre 2019

PAROLES DE : penser large, habiter petit



Les tiny houses ont le vent en poupe depuis quelques années. Venues d'Amérique du Nord, elles commencent à séduire tous azimuts dans différents pays européens. Effet de mode ou pas, ces minuscules propositions d'habitat méritent qu'on se penche sur les solutions et les avantages qu'elles offrent.

Cet été, en France, on a beaucoup parlé d'un projet mis en place par la commune de Rézé, en Pays nantais. Les autorités ont décidé de mettre  à disposition une parcelle de près de 7'000 mètres carrés au centre-ville, pour accueillir un village de tiny houses. L'appel à candidature est explicité sur le site de la ville. Les candidats dont le projet de mini-maison aura été accepté pourront s'installer sur le terrain et payer à titre de participation pour l'emplacement, l'accès à l'eau et à l'électricité une somme de 300 euros par mois environ. Voici la présentation faite par Véronique Charbonnier, adjointe au maire en charge de l'urbanisme :
"De nouveaux modes de vie alternatifs émergent. De plus en plus de personnes sont séduites par des formes d'habitat plus simples, plus mobiles, plus proches de la nature qui sont aussi plus accessibles financièrement. Afin de répondre à ces nouvelles attentes, la ville a décidé de réaliser, à titre expérimental, un village de mini-maisons, sur un terrain en attente d'un projet urbain."


Les tiny houses (dont la surface au sol peut varier entre 10 et 20 mètres carrés) sont  donc des habitats individuels et mobiles. Généralement conçues en bois, avec des matériaux locaux, dans un souci de conception écologique, elles demandent à être tractées par un 4x4, un pick-up, un fourgon ou camion (ces véhicules pouvant être loués pour la durée des déplacements). Elles se différencient des caravanes principalement par leur solidité et leur capacité d'isolation thermique, des mobilhomes par leur mobilité plus aisée.
Ces maisons présentent des avantages certains : de surface restreinte, elles réduisent obligatoirement les dépenses, en énergie et en consommations diverses. Elles impliquent un mode de vie orienté vers le minimalisme et la décroissance, invitent à une existence plus proche de la nature. Ne disposant pas d'espace de stockage, l'occupant achètera forcément moins. Bénéficiant d'un tout petit espace de vie, il sera davantage tenté de sortir, de s'aérer, de vivre plus au contact de son environnement. Elles permettent en outre l'accès à la propriété à un plus grand nombre et offrent une appréciable mobilité (si l'on ne devient pas propriétaire du terrain occupé, la difficulté est de trouver où s'installer, les règlements pouvant varier de commune en commune). 

Le concept de tiny house a de quoi en faire rêver plus d'un. Leur succès est peut-être lié au fait qu'elles ramènent à une notion de cabane, ainsi qu'à une idée de liberté. Certains évoquent à leur propos le cabanon construit par Le Corbusier pour son épouse en 1952, réduit, compact et disposant de tout le nécessaire pour vivre à deux, de manière sobre et épurée. A la différence des mini-maisons, ce cabanon ne se déplace pas. Il est ancré dans un lieu. Mais le concept minimaliste est similaire.

Elles posent toutefois des questions de fond : ne constituent-elles pas une forme de gadget, un habitat qu'on se procure plus aisément et dont on peut plus facilement se lasser ? Sont-elles compatibles avec les besoins d'une famille et sont-elles compatibles également avec des besoins de longue durée ? L'habitat individuel a-t-il encore un avenir à long terme dans des sociétés à forte concentration comme celles qu'on trouve souvent en Europe, et tout particulièrement en Suisse ? Ne sont-elles pas réservées à une population relativement privilégiée, ayant les moyens d'accéder à la propriété ? 



Comme toute proposition revêtant un aspect commercial, la mini-maison est susceptible de comporter des dérives consuméristes. En dépit de toutes ces remises en questions, ce type d'habitat gagne à être envisagé sous ses aspects positifs.
Modulable, facilement réalisable et adaptable, ce logis compact offre,  par exemple, une solution souple et intéressante dans le domaine de l'urbanisme social. Il présente des possibilités de logement rapides pour des personnes devant accueillies dans l'urgence, des citoyens sans ressources suffisantes, des personnes sinistrées, ou encore des migrants. Il constitue aussi une réponse digne et relativement peu coûteuse, si l'on pense aux montants faramineux que coûte aux pouvoirs publics le relogement dans des hôtels décrépits et peu confortables des personnes aidées par l'assistance. Aux Etats-Unis, du reste, le recours a ce type d'habitat a connu un essor après des catastrophes naturelles, comme des ouragans, ou financières, comme la crise des subprimes.

Au-delà de tout cela, la tiny house vient nous interroger sur nos véritables besoins. On a assisté ces dernières décennies à une extension des propositions en matière d'habitat. Toujours plus d'électroménager, toujours plus de salles d'eau, toujours plus de gadgets au service d'un confort supposé indispensable. Tout cela lié à la baisse de la densité de l'occupation des logements. Ce qui implique au final une augmentation des sollicitations à consommer des biens et de l'énergie.

Et si tout cela devait être repensé en fonction de nos véritables nécessités ? Si nous prenions un moment pour envisager la question ?


Nous pouvons nous octroyer une pause et prendre le temps de considérer le lieu où nous vivons actuellement, avec sérénité, avec bienveillance. Opérer un recentrage. Solliciter notre corps, nos émotions, là où se déroule notre quotidien, pour découvrir ce que nous attendons vraiment d'une maison. Des exercices tels que ceux présentés ICI et ICI peuvent nous aider dans cette démarche.

Cette connexion à nos ressentis nous permettra de répondre plus aisément aux questions suivantes : Disposons-nous actuellement de tout ce dont nous avons besoin ? Ressentons-nous la nécessité d'ajouter quelque chose ? Pourrions-nous faire avec moins ? Notre vision de l'habitat "idéal" est-elle liée au regard des autres, a-t-elle à voir avec le statut social qu'un logement peut conférer ou dépend-elle uniquement de nos propres exigences ?

Riches de cette expérience, nous pouvons ensuite, et dans un tout autre registre, considérer la chance que nous avons d'avoir un toit. Nous pouvons également observer que, dans bien des pays, l'espace de vie est réduit, voire terriblement exigu (un problème lancinant dans les grandes métropoles des pays dits développés, ainsi que dans la plupart des pays émergents).

Cette démarche vis-à-vis de la grandeur de notre habitat implique donc deux aspects :  d'une part, de nous connecter à nos sens, en toute conscience pour examiner attentivement les besoins qui émergent de notre expérience propre. D'autre part, nous pouvons nous référer à nos connaissances géo-politiques et sociales pour considérer la question sur un plan plus global, en tant qu'habitants de la planète. Il nous sera possible alors, tenant compte de ces deux axes, de répondre à cette question : De combien de mètres carrés, de combien d'espace et de confort avons-nous réellement besoin pour nous sentir bien ?
La pratique de la pleine conscience, en nous permettant d'identifier et de reconnaître nos nécessités intérieures, nous offre l'opportunité de nous libérer des standards provenant de l'extérieur. C'est un puissant atout pour nous aider à vivre et à habiter en accord avec nous-mêmes, dans la société et dans le monde qui nous entoure.

Images : tirées du site du fabriquant Baluchon / France : http://www.tinyhouse-baluchon.fr/
                maquette / exposition Assemble 2017 / Az W / Vienne

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