jeudi 31 octobre 2019

EXPÉRIENCES : comment faire le tri ?



L'émission Xenius sur Arte a consacré le mois dernier un reportage dont le titre était Le rangement : faire le tri dans sa vie.  Ce sujet passionnant était traité en trois volets :
Premièrement, l'une des deux journalistes avait accepté d'ouvrir son logement à une coach en rangement pour un exercice pratique. Il s'agissait de montrer, en suivant les trucs et astuces d'une pro, comment s'y prendre pour trier, ordonner et, naturellement, éviter de retomber dans le désordre une fois les bonnes résolutions passées. 
Ensuite, une psychologue fournissait des explications sur les mécanismes qui nous poussent à l'entassement et au désordre. Cette interview était censée nous permettre de comprendre le pourquoi de l'accumulation. 
Finalement, une femme, âgée de 57 ans, ayant fait le choix du minimalisme suite à une remise en  question personnelle et professionnelle, témoignait de son expérience. A travers son choix d'allègement, elle expliquait combien elle s'était sentie libérée et plus à l'aise dans sa vie. Riche de ce vécu, elle avait ouvert un blog pour partager avis et conseils avec des gens qui, comme elle, étaient désireux de se délester de l'inutile et de se consacrer à leurs véritables intérêts.


La coach en rangement donnait des instructions claires, précises, pour la marche à suivre, proposant de commencer à partir de l'armoire à vêtements, parce que ceux-ci sont, d'après elle, les objets les moins chargés psychologiquement, dont il est plus facile de se séparer. Voici comment elle proposait de procéder :

1 / Sortir de l'armoire l'ensemble des pièces. Faire des tas par catégories (vestes, pantalons, linges, etc). Procéder au tri. Placer dans un grand sac-poubelle ce qui ne convient pas. Observer ce qui reste. Ensuite, ranger, toujours par catégorie.
2 / Pour chaque vêtement, il s'agit de se demander si on en a encore besoin ou si l'on peut s'en séparer. Cette étape nécessite de répondre aux questions suivantes : Est-ce que j'y suis attachée ? En ai-je encore besoin ? Est-ce que ça me va bien ? Le vêtement est-il encore en état d'être porté (ou bien est-il taché, abîmé) ? Est-ce que je m'imagine encore l'utiliser à l'avenir ?
3 /  Il peut être difficile de savoir si on aime vraiment une fringue ou si on la porte uniquement par habitude. Il existe une méthode simple pour trouver comment évaluer : commencer par considérer un vêtement auquel on est très attaché, dans lequel on se sent bien et qu'on porte beaucoup. Par exemple, la veste préférée. Prendre un moment pour sentir ce qu'on éprouve au contact de cet habit. Se souvenir ensuite de cette émotion pour savoir ce que l'on cherche à garder. Si on ne ressent rien de similaire face à d'autres effets examinés, c'est qu'il est temps de s'en débarrasser.
4/ Les choses pratiques, utiles, pas forcément belles ou aimées, sont autorisées à rester : elles ont une fonction précise (un manteau de pluie, des baskets de course).
En cas de doute, on peut mettre momentanément le vêtement de côté et se donner un certain temps avant de reconsidérer son usage et décider de son affectation.
5 / Après la phase de rangement, en procédant catégorie par catégorie et en attribuant un emplacement précis à chacune d'elles, on veillera à bien remettre les vêtements à leur place après chaque usage. Ce réflexe, une fois acquis, est extrêmement important pour maintenir l'ordre établi.
Le ou les sacs-poubelles qui auront été remplis ne vont bien sûr pas être jetés. Il y a de multiples façons de recycler, en donnant à des associations, en revendant ou en procédant à des échanges.


Le rangement et le tri sont des tâches très chargées psychologiquement. La psychologue spécialisée dans le rapport entre consommation et rangement, expliquait ainsi nos différents comportements :

Beaucoup de gens font ce qu'on appelle du "shopping thérapeutique". C'est un fait que s'acheter quelque chose qui fait plaisir procure une sensation de bonheur, du moins sur le moment. Mais cette sensation peut entraîner une dépendance. De plus, si le bonheur de la consommation est de courte durée, le problème du stockage, lui, va s'installer et finir par devenir de plus en plus oppressant.
A propos du rangement, elle expliquait le comportement des individus selon le style d'éducation reçue par leurs parents. A titre d'exemple, on sera plutôt désordonné pour contre-balancer une éducation trop rigide. Ou bien on rangera scrupuleusement en réaction à une éducation chaotique.
Elle a également constaté que les manières de tenir son logement sont différentes selon les personnalités : les gens extravertis auront plus tendance à se montrer "bordéliques", ils placeront la convivialité au premier plan, l'état des lieux qu'ils occupent étant moins important. A l'inverse, les introvertis aimeront se retrouver dans un contexte bien ordonné et harmonieux.

Quand la place vient à manquer, se séparer du superflu est indispensable. Mais nous défaire de certains objets ne se fait pas aisément Nous entretenons des relations non seulement avec les êtres vivants, mais aussi avec nos objets et nous avons tendance à énormément sous-estimer la charge mentale liée aux choses.

Il y a aussi notre rapport à l'histoire. L'expérience du manque vécu par les générations qui nous ont précédées continue de nous marquer. Nos parents et grands-parents ne jetaient rien, ils gardaient tout parce que cela pouvait toujours servir. De nos jours, nous entretenons une ambiguïté à ce sujet. Nous pouvons tout racheter, ou presque tout, mais nous avons malgré tout de la peine à nous délester.
La psychologue soulevait également le problème d'attachement lié aux achats ratés. Pour se décharger de la culpabilité qu'on ressent, on aurait tendance à les garder avec des remarques du style : Qui sait ? J'en aurais peut-être besoin un jour ? J'ai dépensé tellement d'argent pour ça ! Là aussi, il ne faut pas hésiter à se débarrasser de ce qui risque fort de s'incruster dans notre logement et dans notre mental pour longtemps.
Elle terminait en relevant que le processus d'élimination du superflu est certes douloureux sur le plan psychologique, mais que les efforts fournis sont largement récompensés. Selon elle, la démarche mène vers davantage de liberté : posséder moins signifie libérer son esprit pour nos véritables priorités, signifie aussi gagner du temps et de l'énergie.



La personne ayant fait le choix du minimalisme vivait seule dans un logement de 42 mètres carrés, balcon compris. Après une série de choix drastiques, elle avait gardé dans son intérieur les meubles et les équipements qui étaient strictement nécessaires à son usage et à son confort. Ses prises de conscience étaient le résultat d'un profond cheminement intérieur. Pratiquant la relaxation et la méditation, centrée sur ses ressentis et ses émotions, elle avait pris conscience qu'elle consommait pour décharger ses nombreuses frustrations, principalement quand elle se sentait débordée par son travail. Sa remise en question de ses fonctionnements était globale, et incluait la manière de se nourrir et d'occuper son lieu d'habitation. Certes, son intérieur pouvait paraître à première vue spartiate, mais elle se disait heureuse de vivre dans un espace dégagé, où elle ne se sentait pas bridée dans ses mouvements.
Elle concluait en disant : "Nous rêvons tous d'avoir plus de place, mais quand nous avons de la place, nous entassons plein de trucs partout. C'est quand même contradictoire!".



Cette émission, disponible jusqu'au 7 décembre prochain sur le site d'Arte, a le mérite non seulement de nous fournir de précieuses pistes concernant nos problèmes de consommation et de rangement, mais aussi de souligner le lien existant entre nos possessions et leur poids sur notre mental et notre manière de vivre en général.

Il se peut que nous ayons besoin de suivre des instructions données par un coach pour réussir à ranger et à optimaliser notre logement, pour élaguer et parvenir à y évoluer plus sereinement. Nous pouvons aussi nécessiter des clarifications sur nos comportements consuméristes : qu'est-ce qui nous fait accumuler plus que de raison, jusqu'à faire de nos avoirs des objets de malaise et de contradictions ? Nous pouvons adopter l'un ou l'autre de ces moyens, s'ils nous sont nécessaires, si nous ressentons le besoin d'un accompagnement spécialisé.

Ces recours à des professionnels nous apportent des savoirs et des modes d'emploi provenant de l'extérieur. Mais nous pouvons également emprunter d'autres voies, plus personnelles, au travers de notre expérience et de nos ressentis profonds.

Pour effectuer le tri de nos affaires, apprendre de quoi nous avons réellement besoin et quels sont nos désirs réels, nous pouvons recourir à la pleine conscience. Elle nous permet de faire ce travail approfondi sur nous-mêmes, en considérant notre relation aux choses et à nos possessions à travers nos émotions et nos sensations. Grâce à cette démarche, nous entrerons en contact direct non seulement avec nos besoins, mais aussi avec nos propres ressources. En effet, au cœur de notre vécu émotionnel et sensitif réside une source inépuisable de solutions. Il ne tient qu'à nous d'en tirer profit et d'y porter attention de manière durable.

Nous pourrons alors affronter les sollicitations à consommer, à paraître, à imiter avec un esprit beaucoup plus autonome et critique. Nos valeurs ne nous seront plus imposées de l'extérieur. Nos valeurs - et surtout notre valeur -  émergeront du plus profond de nous-mêmes.


Images : Tête romaine / Museo Capodimonte / Napoli
Venere degli stracci / Michelangelo Pistoletto / Museo di Rivoli / Torino
Sculpture romaine / Museo Capodimonte / Napoli
Deux sculptures romaines / Musei Capitolini / Roma

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